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Jack Larsen & The Phlegmatic Ugly Ponies
25 février 2011

Lâcher la rampe

Je me rappelle avoir eu 5 ans. Je revois encore très bien ce grillage auquel je me suis agrippé. Ce grillage qui me retenait prisonnier, je l’ai observé sous tous les entrecroisements. Pénitencier scolaire dont je ne savais pas encore que j’y écoperait de la peine la plus ferme. Ce grillage vert, comme pour me dire que j’étais sauvage et libre, à quel point il était salvateur ! Gardien de ma peine de voir partir celle qui m’abandonnait pour la première fois, il n’a pas su garder mes sanglots.

Je me rappelle avoir eu 8 ou 9 ans. Cette tour penchée à manquer de trébucher, j’ai passé un long moment à la regarder tomber. Elle est restée en place, j’ai donc admis que la seule manière de l’apprivoiser était de la pénétrer. Les escaliers en colimaçon, le vertige, la rambarde à laquelle je suis resté accroché tout du long. Partagé entre la peur de la lâcher et l’envie de partir du côté opposé, du côté du vide. Cette tour gardienne de la curiosité qui m’agitait pour la première fois, elle n’a pas su retenir mes frissons.

Je me rappelle avoir eu 12 ans. Cette poubelle sur laquelle j’ai accroché tout mon désespoir, n’y avait-il pas d’autre objet plus noble pour déverser ma haine ? D’autre manière d’exulter ma peine ? Ainsi est fait le monde, d’injustice notoire et de destins les plus noirs, je l’apprenais à mes dépends pour la première fois.
D’autres allaient partir en fermant la porte sans que j’ai eu le temps de leur dire au revoir, et sans même me laisser une clef. Mais aucun ne m’a laissé entrevoir cette possibilité qu’un jour, j’allais pouvoir lâcher pour les retrouver.

Je me rappelle avoir eu 16 ans. Ces vêtements auxquels je me raccrochais, je les ai serré si fort qu’ils ont fini par me lâcher. J’ai frémis, autant par crainte de ce qui m’attendait que par excitation due au sexe opposé. Cette odeur, cette douceur, cet appel à exulter, je l’ai gardé en moi comme une fragrance d’un temps passé. Cette gardienne du désir qui m’imprégnait pour la première fois, je lui garde une place particulière, celle de mon premier émoi.

Je me rappelle avoir eu 18 ans. Ce diplôme suranné auquel j’ai cru pouvoir faire confiance m’a entraîné dans son sillage. Poursuivi par les études, j’ai tant bien que mal tenté de tracer ma voie. Celle dont je pensais, naïf, qu’elle m’offrirait une belle carrière. J’ai aussi poursuivi des filles dont je pensais, naïf, qu’elles m’offriraient une jolie histoire. Ma voie m’a apporté une situation, les filles ma foi, m’ont apporté quelques désillusions.

Je me rappelle être à l’aube de mes 30 ans. Cette vie à laquelle je m’accroche pour garder un semblant de continuité me rappelle ce grillage, cette rambarde, cette poubelle, ces vêtements, ce diplôme, ces filles, cette sérénité feinte. Je crois qu’il est temps pour moi de pleurer. Qu’aucun obstacle ne vienne retenir mes larmes, ma curiosité, mon envie de voir où me mène le danger. Il est temps, enfin, de lâcher la rampe. Quitte à tomber.

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Commentaires
J
pt'et' bien... ou juste un raz-le bol passager.
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G
C'est la crise ...<br /> de la trentaine !
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J
Merci Gaston. Emotions remuées par une nostalgie qui est propre à nos âges je pense...
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G
Superbe...<br /> Pourquoi tiens tu absolument à remuer mes émotions ?
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J
@ Miss tortue => Merci. Moi aussi je crois, même si (parceque?) plus douloureux.<br /> @ Homéo => Merci, j'ai pas mieux pour remercier ;-)
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