L'oeil du chibre
Yep!
Changement radical d'ambiance (parceque la mélancolie, même si c'est moi aussi, c'est pas le lieu le plus adapté pour en faire).
Du coup, aujourd'hui, post j'en ai une grosse. Avec plein de "bref" et quelques pépins dedans. Mais pas de moyen-âge...
(accroche toi, le niveau va monter d'un cran)
L'aut'jour, je m'apprêtais à grimper un morceau mythique du cyclisme. Faute de grimper autre chose...
(t'étais prévenu, viens pas te plaindre)
Un morceau de cyclisme, c'est ça
Bref, ce défi sportif, on l'avait lancé l'an dernier avec Grand Schrops et Papa Schrops, autour d'une bouteille de Gigondas. Autant te dire que d'une on se mouche pas du pied, et de deux, que l'alcool ça pousse à prendre des décisions un peu hâtives. T'as qu'à voir le Grenelle de l'environnement (profite, ce sera la seule remarque politique du jour).
Bref, depuis un an, on se disait "ouais, d'accord, y'en a qui sont morts pour la france là-bas, mais nous on va aller à notre rythme, et pis on est des ouinneurs, ça va aller tout seul".
T'as qu'à voir les gueules de vainqueurs
Bref, on faisait les malins, on en parlait autour de nous, on se montait le bourrichon à chaque coup de fil, genre "je vais vous fumer sur place, vous allez voir que mon dos, le bitume va fondre, j'suis affûté comme une lame, j'ai un profil de grimpeur, etc".
Le profil de grimpeur, c'est moi. Et quand tu me vois sur un vélo, ça tombe sous le sens.
Un corps sculptural, je te dis!
Bref, est arrivé le Dédé (oui, le D Day, si tu veux). D'abord, on était content de se revoir, parceque quand même, on habite loin et on se voit pas souvent. Alors on a picolé (un peu), on a rigolé (proportionnellement, il doit y avoir une formule mathématique pour expliquer ça). Bref, on était contents et confiants.
Et le lendemain, le jour s'est levé sur une étrange idée nous et nos conneries.
Et plus on s'approchait du point de départ, moins on parlait. Parceque le mont Ventoux, vu en photos, ça va. Et puis les courbes de dénivelé qui te disent "pentes à 8%", ça va. Mais en vrai, c'est un putain de gros caillou qui dépasse tous les autres d'une tête. Je me suis comme senti une fraternité avec ce truc qui dépasse tout le monde.
Et un putain de caillou, que tu peux plus reculer quand t'es en bas, vu que t'as fait le malin pendant toute une année avant. Et que tu te dis "bon, ok, t'es un ouinneur, mais va pas te faire du mal, quand même". Parceque je te rappelle que certains sont tombés pour la France, là-bas. Ou pour trop de cocaine par 35°C, je sais plus bien.
Là il a pas l'air bien, quand même, Omer Tom Simpson.
J'ai même envie de dire "il semble en Marge".
Une blague, même mauvaise, ne doit jamais être perdue...
Bref, on est partis la peur au ventre fleur au fusil. On a commencé l'ascension. Au début c'était bien. Après, il a commencé à faire chaud. Encore après, il a fait très chaud. Aussi chaud que dans un bain de feu, quoi (oui ben ça va, je fais ce que je peux, faut bien introduire la musique à un moment donné).
A six kilomètres de l'arrivée, après pause canette de Kro tiède pipi-eau-fruits secs, on s'est dit "putain, c'est tendu, mais ça va le faire". Donc on est repartis.
Et là, très vite, il a fait très très chaud. Genre tu retires une quiche du four avec tes dents (le fais pas chez toi, hein, c'est juste pour illustrer). Très très chaud, et bizarrement l'impression qu'il faut changer de vitesse. Sauf que t'es déjà tout à gauche, et que tu peux pas faire plus mou.
Alors tu te met debout sur les pédales pour pas perdre l'équilibre. Parcequ'à ce moment-là, tu roule aussi vite que si tu marchais.
"Ben pourquoi vous avez pas marché, Jack?
Parcequ'on est des ouinneurs, putain, on a dit qu'on le faisait, on le fait. Et si c'est comme ça, on s'arrête pas jusqu'en haut. T'aing! Et viens pas m'emmerder, tu vois bien que j'en chie, non? " Le sportif est buté, faut le savoir. Surtout dans l'effort.(j'avais pourtant promis pas de moyen-âge, raté)
Debout sur les pédales, donc. Pendant six kilomètres. Avec du mistral. Par 25°C en plein soleil. Température du corps avoisinnant les 50°C. T'as déjà perdu dix litres de flotte. Donc dix kilos, ça devrait être plus facile. Pourquoi c'est de plus en plus dur? Et pourquoi mes mollets ils commencent à se détacher de mes jambes?
La bataille de Verdun, à côté, c'est une partie de bilboquet entre gentilhommes.
Et ce putain de caillou, il est traître, parceque plus tu montes, plus tu découvres la route qu'il te reste à faire. Et c'est marrant, parceque plus tu progresses, et plus elle est longue, la route.
Et pis t'arrives à pas loin du sommet, parceque ceux qui sont déjà au dessus, il t'encouragent ("après avoir vomi", tu penses à ce moment-là). T'es mourant content, t'y arrives. Et là, ce putain de dernier lacet, 15% de pente environ, qui t'achève. Tu force comme une bête, gravis les derniers mètres qui te séparent de la mort, et t'arrives au dessus.
Temps scratch sur le dernier lacet
J'aime autant te dire que après t'être écroulé, quand t'as bu deux litres de flotte sans respirer, que comme après une méga biture tu t'es dit "plus jamais ça", eh ben t'as un sentiment bien connu de tous les gros cons de sportifs et à dire vrai assez agréable, celui de "J'en ai une grosse, J'suis le plus fort".
Alors qu'en vrai, comme t'as fait 40 bornes sur une selle pas franchement étudiée pour le confort, dans un calecif bien ridicule moulant, elle est tellement petite que tu te demandes si elle est pas rentrée à l'intérieur.
(Eh, on parle sport, hein, tu vas pas faire ton étroite, non?)
(j'tavais dit que c'était radical comme changement)
Bref, je l'ai fait, avec des larmes et des grincements de dents, mais putain que c'est bon de se sentir le plus fort. Bestial, mais bon. On a eu la peau de ce putain de gros caillou, et pour l'ego c'est vachement bon.
We did it !
La photo officielle de cette ascension, le passage obligé de tout grimpeur
Bref, UN TRES GRAND MERCI à mes compagnons de route, et bravo à nous, aussi.
A tantôt, bécots.
(Si t'aimes pas le vélo/le sport/les photos/les pots longs, j'm'excuse, mais c'était ça ou encore et toujours la guimauve)