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Jack Larsen & The Phlegmatic Ugly Ponies
15 février 2011

Requiem for an Oscar

Yep!
Aujourd'hui, un post avec du sentier battu et des mots compliqués dedans. Mais pas que.

affiche_black_swan  blackswan_poster_535x793

De la candeur à la noirceur

J't'ai promis de te parler de Black Swan, donc je m'y attèle. Ce sera sans doute une critique assez moyenne, je te préviens, sachant que tout a déjà été dit sur ce film, très bien ou moins bien. Tout a été dit, et globalement, les critiques sont  aussi unanimes que dithyrambiques (ça, c'est juste pour placer un mot compliqué et faire genre que j'ai du vocabulaire, donc que je suis intelligent). Je ne vais donc pas sortir de cet enthousiasme, d'abord parce que c'est confortable, ensuite parce que c'est justifié. Le fait que je sois allé le voir deux fois en trois jours (fait extrêmement rare, je suis un indécrottable dubitatif) et que la fille qui était devant moi soit sortie de la séance en pleurs me semble déjà un indicateur significatif.

Black_Swan_Poster_2

L'affiche que je préfère

D'autres jolis projets d'affiche

On dit que le réalisateur a du talent, je suis d'accord. Darren Aronofsky confirme que c'est un très grand cinéaste. Son Requiem for a dream avait fait couler beaucoup d'encre, parce qu'il bouleversait le genre. Quel genre? Celui de l'adaptation d'un bouquin d'Hubert Selby Jr.. Pari audacieux quand on sait la puissance de l'écriture de Selby, réussir à l'adapter sans le dénaturer (voire à la sublimer) était déjà un exploit. Il réitère en nous prenant aux tripes, littéralement.

On dit de ce film qu'il est superbe, je suis d'accord. Tu me connais, je suis plutôt porté sur la musique un peu crade, la perspective de voir des danseuses de ballet et d'écouter du Tchaikovski pendant 2h a nécessité pour moi de mettre en sourdine mon côté mal dégrossi. Et pourtant...

Les scènes de danse sont strictement magnifique, la scène d'ouverture vaut à elle seule le détour, celle de fin relève de l'enchantement. Capter aussi bien la difficulté que représente le ballet et magnifier à ce point les corps au travail devrait être interdit. Les scènes de sexe que j'ai d'abord trouvées ineptes participent à affirmer le propos sur ce langage du corps. Les chorégraphies sont soignées, les acteurs ont visiblement énormément bossé (on reviendra sur la performance de Natalie Portman), les mouvements sont emprunts d'une grâce infinie. Bref, tout gros con que je suis, j'ai eu la chair de poule devant se spectacle, bien épaulé il faut dire par la musique, adaptation vraiment réussie du classique Lac des cygnes.

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Au plan esthétique, Darren Aronofsky montre encore une fois sa maîtrise de la lumière (le traitement photo est vraiment superbe), et son incroyable capacité à nous tenir en haleine par un montage réussi. Côté mise en scène, tout est fait pour nous faire frémir, parfois à la seule force d'un plan.

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Black Swan est souvent présenté comme un film sur le dépucelage d'une ballerine, c'est plus que ça. Le parallèle entre le Lac des cygnes et le passage à l'état de femme de Nina est bien mené, mais au-delà de ça, c'est surtout l'apprentissage de sa propre capacité à être qui est filmé. Sans aller jusqu'à parler de dualité humaine voire du Janus qui sommeille en nous, Aronovsky nous parle de ce qu'on peut aller chercher dans nos propres ressources pour atteindre son objectif. En l'occurrence, la perfection à laquelle aspire Nina, petite fille engoncée dans des rêves de gloire.

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Mais à quel point peut-on aller pour assouvir son désir (ou celui d'un chorégraphe aussi ambitieux que pervers)? Ici, Aronofsky prend le parti d'utiliser le fantastique et l'angoisse pour exprimer l'état psychologique de sa ballerine timide appelée à devenir séductrice, et ca fonctionne. Même si on se rend assez vite compte que Nina commence à dérailler, arrive un moment où la frontière entre réel et imaginaire ne tient plus qu'à la moiteur de vos mains...

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Côté acteurs, tout a été dit sur la performance de Natalie Portman. Mais les autres acteurs ne sont pas en reste, loin de là, au point que Vincent Cassel, habituellement plutôt bon (cf Les promesses de l'ombre) semble un cran en dessous dans son rôle de chorégraphe manipulateur. Barbara Hershey est proprement terrifiante en mère vampirique (le terme est encore trop doux), Mila Kunis campe une séductrice diabolique, et Winona Ryder, trop rare, est littéralement habitée par son rôle de star déchue, femme-enfant abandonnée.

Le cas Portman et son oscar probable.

Venons-en à ce qui est l'essence même du film, Natalie Portman. Le film est clairement construit autour de son personnage, à se demander si le projet n'a pas été bâti pour elle. L'ensemble des critiques s'accordent à juste titre à dire qu'elle est archi-favorite pour l'oscar, que c'est le rôle de sa vie, qu'elle montre enfin l'étendue de son talent. Le film la met clairement en valeur et lui laisse le champ largement ouvert pour qu'elle puisse déployer ses ailes, à l'instar de son personnage.

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Clairement, elle est en lice pour l'oscar dans la peau de l'archi-favorite, sous prétexte qu'elle est à l'apogée de sa carrière. Et c'est là que je ne suis pas d'accord.

Je suis assez d'accord sur le fait qu'elle réalise une très belle performance, sans doute une de ses meilleures, au-delà de son travail acharné qui lui fait exécuter sans qu'elle aie à en rougir (loin de là) la plupart des scènes de danse. Mais je n'ai jamais douté de son talent d'immense actrice. Pour la faire simple, c'est mon actrice préférée, je peux même dire que j'en suis secrètement amoureux depuis Léon et Heat (on est bien obligé d'assumer ses amours adolescentes). Cette fille me bouleverse à chacune de ses apparitions, tant elle rayonne. Sa capacité à passer d'un état à un autre est énorme, et ce depuis longtemps, sans que personne n'aie jamais daigné le lui reconnaître. A tel point que l'on s'extasie aujourd'hui (à raison) de ce qu'elle réalise (cf la scène de l'appel à sa mère quand elle apprend qu'elle a le rôle), en oubliant de citer Garden State, par exemple, dans lequel elle passe de la fille vaguement futile à la gravité avec une facilité déconcertante. Dans V pour Vendetta, elle endossait déjà un rôle dramatique, et au-delà de son implication physique (déjà), elle confirmait son statut d'actrice de premier plan. Mais surtout, et c'est à mon sens plus injuste, on omet bien de rappeler la scène d'ouverture de Free Zone, dans laquelle elle capte l'attention sur son chagrin pendant 5 longues minutes.

Voila pourquoi je ne suis pas pour qu'elle aie un oscar. D'abord parce qu'il s'agit après tout d'une carotte assez futile. Parce que Natalie Portman a déjà prouvé qu'elle était une très grande actrice. Mais surtout, parce que l'oscar sous-entend qu'elle est à l'apogée, et qu'elle n'aura plus l'occasion de transpercer l'écran. Certes, elle risque d'avoir moins d'occasions de montrer l'ampleur de sa palette de jeu, elle risque de faire quelques navets (la sortie mercredi d'une daube en est le premier exemple), mais j'espère vivement que d'autres réalisateurs auront le courage de lui confier des rôles à la hauteur de son talent, sans avoir en arrière pensée "elle ne peux que faire moins bien". J'espère aussi qu'elle ne prendra pas cette statuette ridicule pour un lit de laurier.

NataliePortman

S'il te plait Natalie, continue à me faire aimer le cinéma!

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Commentaires
N
je sens que tu vas laisser ton lectorat en rad pour le week-end, je le vois venir gros comme une maison, alors t'aurais pas un ptit concours à proposer avant de partir ?un frigo à renommer, une vieille paire de chaussettes, que sais-je...
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J
t'es vachement intransigeante! (et coquine) :-) clairement, tout est fait pour, on est d'accord. Et je suis pas s'il faut qu'elle l'aie ou pas, c'est assez anecdotique et ca n'enlèvera rien à l'admiration que j'ai pour elle en tant qu'actrice...
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H
Alors j'ai pas pleuré, j'ai pas été émue non plus, pas dérangée non plus par les scènes de descentes psy.... <br /> Le grain du film m'a gêné, le côté faux intello à l'américaine aussi.<br /> Y'a bien que les scènes de sexe que j'ai trouvé bien faites quoiqu'un peu courtes à mon goût et puis j'aurais bien maté un peu plus de sensualité sur la piste de danse par exemple.<br /> Sinon les acteurs sont très bons, je ne sais pas s'il faut qu'elle l'ai ou pas cet oscar en tout les cas c'est LE rôle POUR.
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J
haha, je m'adapte à mon lectorat ;-)<br /> Merci à toi (infiniment). Et essaie de trouver le temps, quand même, parceque ca vaut le coup (oh le relou).
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N
quand tu as annoncé des mots compliqués à venir dans ce post, j'ai redouté en effet un dithyrambisme iatrogène despotique et totalitaire...avec du curcuma dessus. Puis finalement, ben non, tu as pensé à mettre des images pour ceux qui ne savent pas très bien lire ni écrire et y'a même un ptit film avec des larmes universelles qui se passent de sous-titrages...alors je n'irai peut-être pas voir ce film faute de temps mais en attendant je décerne un bel oscar for jack et sa super critique.
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